Togo/Sécurité Alimentaire : Les Femmes nourrissent les générations futures

Certains éléments sont connus depuis longtemps déjà : bien que dans le monde entier les femmes assument la responsabilité de l’alimentation et la santé de la famille, il est paradoxal que les femmes qui  pratiquent l’agriculture dans la globalité des pays du sud ne bénéficient que de 5% des services d’assistance technique.

Pas plus de 10% environ des sommes affectées aux aides à la production sylvicole, agricole et aquacole ne leur sont allouées. Tant que cette pratique durera, impossible d’atteindre une sécurité alimentaire durable. C’est la raison pour laquelle nous devons comprendre d’une part pourquoi les femmes bénéficient moins d’activités de conseil et organiser d’autre part les projets  de façon  que les femmes profitent davantage de ces services pour garantir durablement la sécurité alimentaire.

«Des gens viennent souvent, ils montrent de nouvelles méthodes à nos hommes et à nos garçons, mais nous les femmes, on ne nous montre pas grand-chose. Alors que nous travaillons tous les jours dans les champs. », raconte Adjo Massan, une femme paysanne  dans la région d’Afagnan.

Comprendre les sphères d’influence qui sont importantes pour la sécurité alimentaire et l’amélioration de la résilience au niveau local, c’est déjà être sur la voie qui conduit à la solution.

Les causes

On note la diversité des influences, au niveau national comme au niveau du ménage, qui agissent sur le fait que les femmes ne bénéficient toujours pas des projets d’aide au développement relatifs à l’amélioration de l’alimentation bien que ce soient elles qui ont la responsabilité dans ce domaine. La relation entre les sexes au niveau du village et dans les sphères d’influence, le rôle de la tradition et de la religion, les bailleurs de fond, la législation nationale, le système économique.

Reconnaître les rôles des genres

Ce qui est déterminant pour le succès d’une mesure destinée à assurer la sécurité alimentaire ; c’est qu’une étude de base  ne se contente pas que de représenter la situation générale sur le plan de l’alimentation, mais aussi les rôles spécifiques des genres dans un contexte donné. C’est la condition nécessaire pour que les résultats puissent être intégrés à toutes les mesures pour aboutir à un changement durable.

Les résultats mis en évidence par l’étude genre permettront d’adapter les programmes et les projets  avec ses services de conseil et de soutien aux besoins de celles qui assument la responsabilité, elles pourront ainsi contribuer activement à l’efficacité des programmes avec l’autre sexe c’est-à-dire les hommes.

Le défi que doit relever les programmes et projets du ministère de l’agriculture c’est de tenir en compte des genres, sans que les femmes aient une surcharge de travail au quotidien. C’est déjà le travail que le ministre en charge de l’agriculture, M. Noel Bataka, a fait  lors de l’exécution de  l’opération téléfood lancé tout récemment à Kpélé, qui mettait les femmes des coopératives sous les projecteurs.

Il  indique d’ailleurs lors  de la conférence annuelle 2019 du Système régional d’analyse stratégique et de gestion des connaissances (ReSAKSS) lancé à Lomé  qu’étant donné que l’agriculture est au cœur de l’action du gouvernement car demeurant un levier essentiel de la création de richesses et d’emplois, du développement inclusif et de la promotion de la croissance économique au niveau du pays. L’égalité de genre et l’autonomisation des femmes est au cœur du PND à l’horizon 2022.

Mais en attendant les actions concrètes sur le terrain,  la  position des femmes dans la société est  toujours affaiblie, et ceci  serait contre-productif pour une évolution durable.

Selon le rapport ATOR 2019, l’application d’une perspective sexo-spécifique aux diverses questions concernant les populations rurales facilitera la participation sociale, politique et économique des femmes au développement agricole et fournira les données supplémentaires nécessaires pour faire progresser l’égalité des genres.

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Situation régional de l’alimentation au Togo

Aujourd’hui, le Togo occupe la 162ème place sur l’indice de développement des nations unies et se situe en dessous des pays ayant un faible développement humain ; en dessous de la moyenne si on le compare à d’autres pays subsahariens.

Pour beaucoup, la situation alimentaire au Togo est précaire. Plus de 25% des enfants jusqu’à 5 ans présentent un retard de croissance (stunting) et on ne constate quasiment pas d’amélioration depuis les années 90 et plus de 16% ont une insuffisance pondérale. Au niveau national 6%  des enfants souffrent d’une perte de poids drastique, ce taux s’étant quand même beaucoup amélioré au cours des 10 dernières années. 0, 8 millions de togolais souffrent actuellement de sous-alimentation, c’est-à-dire plus de 10% de la population ; surtout la qualité de l’alimentation est déficitaire ; les gens consomment les  fruits, les protéines animales et les œufs. La population s’accroît rapidement, si bien que la situation de l’alimentation doit relever d’énormes défis d’autant plus qu’au cours des dernières décennies les surfaces des terres agricoles n’ont pratiquement pas augmenté.

Discrimination de la femme dans le secteur agricole

Le Togo a ratifié la plupart des instruments internationaux et régionaux relatifs au genre et à l’alimentation. Le pays a également ancré l’égalité des sexes dans la nouvelle constitution de 1992. Depuis de nombreux instruments ont été mis en place et prennent en compte les femmes et la sécurité alimentaire, tel que la politique nationale d’équité et d’égalité de genre (PNEEG) dont le but est de renforcer la position de la femme dans la société et l’économie. Pourtant la situation des femmes ne change guère, parce qu’elles ont rarement des formations formelles (jusqu’à 80% des femmes surtout dans les zones rurales sont analphabètes) et donc elles reçoivent peu d’informations sur leurs droits ; leur quotidien est difficile, elles sont moins soutenues et l’ensemble de ces facteurs fait qu’elles ne disposent que de faibles marges de manœuvre.

On donne l’exemple du fait que les femmes ne peuvent utiliser que le portable de leurs maris comme moyen de communication, parce que les ressources financières de la famille sont insuffisantes pour acheter deux portables.

Par ailleurs, la micro-finance dont les femmes font usage dans de nombreux pays n’est pas beaucoup sollicitée au Togo.

«Comment pourrais-je décider quelque chose ? Je dois respecter mon mari. Il m’a amené dans son village. C’est lui qui commande, je suis dans sa famille, je dois obéir. », confie Kossiba dans le village de Aléonou.

«Les Choses ne changent pas beaucoup. C’était déjà comme ça pour ma mère et ce sera comme ça aussi pour la petite que vous voyez là. », affirme une maman portant sa fille au dos à Afiwomé.

Des plaintes ou affirmations qui font montre de l’impact que peut avoir le cercle vicieux de la discrimination sur le potentiel d’action des femmes et à quel point la situation juridique et la réalité vécue peuvent diverger l’une de l’autre.

Un autre exemple typique concerne l’accès des femmes à la terre. Si l’on interroge les femmes des zones rurales au Togo, la plupart d’entre elles répondent qu’elles pourraient posséder, travailler et acheter des terres comme les hommes. Dans le même temps, il s’avère qu’aucune des femmes ne possèdent de terre ou connait même une propriétaire terrienne : si les femmes au Togo ne possèdent rien, ce n’est pas parce que la loi leur interdit de posséder quelque chose, mais parce qu’elles ne peuvent pas.

Il leur manque actuellement les finances, la mobilité, l’accès général aux services de conseil ainsi que la marge de manœuvre pour avoir accès à la terre ; elles n’ont pas ainsi la possibilité de produire des denrées alimentaires pour leurs familles.

La gestion du ménage dans les familles qui tient leur revenu de la production agricole constitue  un autre exemple. Selon la loi, les décisions sont prises conjointement par les femmes et les hommes. Mais la réalité est tout autre : les femmes sont certes présentes à tous les niveaux du processus de production, y compris le stockage et la conservation, elles se chargent de la vente et de l’achat de produits alimentaires mais les finances restent à 90% entre les mains des hommes.

La répartition de la nourriture au sein des familles ne s’effectue pas non plus au profit des femmes et des enfants, le mari se voit traditionnellement attribuer les plus gros morceaux qui lui sont donnés par les femmes. Les femmes ont donc une faible marge de décision pour garantir une alimentation de qualité à la famille.

Égalité de genre dans les secteurs de l’alimentation et de l’agriculture – faits et chiffres de la FAO

Le secteur de l’agriculture est peu rentable dans beaucoup de pays en développement, et l’une des raisons en est que les femmes n’ont pas le même accès que les hommes aux moyens de production, aux ressources, aux services et aux opportunités dont elles ont besoin pour être plus productives. Les femmes représentent environ 50 pour cent des travailleurs de l’agriculture dans les pays à faible revenu. Les femmes représentent moins de 15 pour cent de tous les propriétaires agricoles, selon les données disponibles.

Si l’on compare aux agriculteurs hommes, les agricultrices s’occupent typiquement de petites parcelles de terrain et elles ont moins accès qu’eux aux renseignements agricoles, aux services financiers et aux autres ressources primordiales. Plus de 820 millions de personnes n’ont pas assez d’aliments pour se nourrir et, sur tous les continents, les femmes ont plus de probabilités d’être touchées par une insécurité alimentaire modérée ou grave. Les femmes des milieux ruraux sont confrontées à des risques plus grands et à des tâches plus lourdes à cause des effets du changement climatique.

Edem Kolani

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