Au sud du Togo, dans la commune de Bas Mono 1, les changements climatiques ont un impact croissant sur la vie, la santé et les droits des personnes en situation de handicap. Cette couche de la population, souvent oubliée, est particulièrement vulnérable à leurs effets néfastes.

Vendredi 26 août 2022, à Afomonou, petit village sur les rives du fleuve Mono au sud du Togo. Assise à même le sol, les doigts pleins d’ampoules, Assogba Amonon égraine des épis de maïs à la main. La quarantaine dépassée, cette mère de famille en situation de handicap a perdu l’usage de ses jambes depuis son enfance à la suite d’une maladie. Sa concession étant située à quelques mètres du fleuve Mono, la vie de cette jeune femme est habituellement rythmée par le cours du fleuve.
« Quand les eaux du Mono montent, c’est pour moi une situation invivable », explique-t-elle. « N’ayant plus l’usage de mes membres inférieurs, il m’est très difficile de me déplacer pour éviter que l’eau n’envahisse ma concession », se plaint cette dame. « Ce sont parfois les voisins qui me transportent sur la terre ferme et c’est après que les eaux se soient retirées que j’arrive à regagner ma maison. », ajoute-t-elle.

Ablavi, habitante de Afomonou et personne à mobilité réduite vit également la même situation. « Avec mon état, quand l’eau saccage tout, il m’est impossible de sauver quoi que ce soit et je me retrouve rapidement dedans. Si l’épreuve d’inondation est déjà assez difficile pour les personnes valides, imaginez un peu ce que nous pouvons vivre avec notre situation d’handicap », déplore cette agricultrice.
Les personnes handicapées négligées
Si tous les gens sont concernés par les Changements climatiques, ils ne sont cependant pas égaux face à leurs impacts. Dans le village de Afomonou par exemple, la plupart des personnes en situation de handicap indiquent n’avoir aucune connaissance des phénomènes climatiques actuelles, et encore moins des mesures à prendre en cas de sinistre.
Et pourtant, de nombreuses actions de sensibilisation ont été réalisées dans ce village autour du plan communal qui met en lumière les zones à risques et prévoit les mesures à prendre en cas de sinistre. Mais à l’évidence, ces mesures ne semblent pas adaptées aux personnes en situation de handicap qui se sentent mises de côté par les pouvoirs publics.
« Les personnes comme nous ne sont généralement pas impliquées dans les actions de sensibilisation ou même dans les prises de décision sur les mesures à prendre en cas de sinistres », regrette à cet effet Amonon.
« Ce qui est déplorable, c’est que des fois, le gouvernement vient soutenir les personnes sinistrées mais nous les handicapées nous sommes totalement exclus de ses mesures d’accompagnement. Et il n’y a personne pour plaider notre cause », renchérit Ablavi.
D’après une étude publiée en décembre 2020, en matière de crise climatique, les gouvernements à travers le monde ignorent généralement les personnes en situation de handicap, en raison de la présomption sur la capacité des citoyens à adopter des comportements de résilience.
La COP 27, un sommet pour se concentrer sur les droits des handicapés
La vulnérabilité particulière des personnes handicapées aux impacts des changements climatiques est notamment reconnue par l’Accord de Paris ainsi que des résolutions du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.
Pourtant, les décideurs ont accordé peu d’attention jusqu’alors aux enjeux de handicap dans les efforts d’atténuation et d’adaptation climatique, rendant « invisibles » les besoins et les perspectives spécifiques des personnes handicapées.
Les prochaines négociations sur le climat de la COP27 doivent être le lieu pour les décideurs de plus se pencher sur la situation des personnes handicapées dans un contexte de changement climatique.
Un avis que M’koumfida Bagbohouna, Coordonnateur de programme de l’association Climate Justice partage. Interrogé, il indique que la crise climatique impacte de façon disproportionnée les personnes vivant avec un handicap.
« En effet, quand surviennent les catastrophes naturelles ou liées au climat, les populations ont tendance à fuir et à se réfugier. Ce qui n’est pas le cas pour les personnes en situation d’handicap. Ces personnes n’ont pas l’opportunité, les ressources nécessaires, et dans la plupart des cas, elles n’ont pas le soutien de leur communauté pour partir où se mettre à l’abri. », affirme-t-il.
Aussi poursuit-il « Les personnes vivant avec un handicap sont donc les plus exposées et vulnérables, car elles courent un risque élevé d’être laissées en arrière dans des zones désertées, où il n’y aura plus d’infrastructures (école, d’hôpital ni de travail). Leur situation mérite d’être prise en compte dans les actions de lutte contre les changements climatiques, notamment lors des négociations sur le climat dont la cop27. C’est en cela que réside la justice climatique. »
Paul Dossou BANKA, le Responsable des Politiques Climat au Togo précise pour sa part que les obligations universelles des Etats en matière des droits humains est un gage d’efficacité, de performance et de responsabilisation.
« C’est pour cela que les droits des personnes handicapés doivent être placés au centre même de la gouvernance climatique au niveau international et national et être considérés comme la »colonne vertébrale » pour la mise en œuvre des engagements pris à Paris. », soutien t-il.
Ce groupe de personnes marginalisées doit être reconnu comme acteurs et actrices à part entière, plutôt que de simples participantes et participants dans des processus dirigés par des personnes non handicapées. Il est possible d’améliorer leur condition de vie et de faire progresser l’ensemble de la société.
Les personnes handicapées ont la capacité de participer à la reconfiguration de la relation entre les sociétés humaines et le climat à travers les connaissances, les ressources et les communautés qu’elles ont développées pour assurer leur résilience.
Hector NAMMANGUE